Communiqué du 24 novembre 2015
La Compagnie des Experts en Armes et Munitions près les Cours d'Appel est une société savante, membre du CNCEJ, dont les membres sont au service de la Justice dans de multiples domaines touchant aux armes, à la balistique, à la criminalistique, à la législation ou à la pyrotechnie. Sa richesse résulte des grandes compétences de ses membres (armuriers, militaires, policiers, membres des forces spéciales, ingénieurs, avocats, journalistes, écrivains, antiquaires, collectionneurs, historiens...) dans leurs domaines respectifs.
La Compagnie, par nature discrète, se devait de réagir aux événements récents à plusieurs titres.
Le vendredi 13 novembre 2015 en journée, la presse unanime se fait l'écho d'un vaste plan du ministère de l'Intérieur visant les trafics d'armes. Entre autres mesures, il est prévu d'accentuer le contrôle des armuriers - pourtant déjà extrêmement contrôlés - et la surveillance des clubs de tir.
Le même jour en soirée, le pays fait face aux attentats les plus abjects et meurtriers de son histoire. Ceux-ci sont réalisés à l'encontre de personnes innocentes et désarmées à l'aide d'explosifs et d'armes de guerre. Toutes nos pensées vont aux victimes.
La déclaration de l'Etat d'Urgence est proclamée pour permettre aux pouvoirs publics de se donner les moyens de lutter contre le terrorisme.
Le week-end, les stands de tir de la région sont fermés et le président de la fédération des chasseurs d'Ile de France recommande de ne pas chasser.
Reprenant un texte de 1955, les armes détenues légalement par les particuliers peuvent faire l'objet de saisies administratives.
Cependant, dans l'application de l'Etat d'Urgence, il ne faudrait pas en venir à déposséder les citoyens de leurs armes légalement détenues en prétendant vouloir lutter contre le trafic d'armes de guerre.
Car, on ne peut légitimement, dans une France mère des arts, des armes et des lois, forte de ses valeurs humanistes :
- demander aux gens de chanter "Aux armes citoyens" et leur faire rendre celles qu’ils possèdent légalement en qualité de tireurs sportifs, chasseurs ou collectionneurs,
- les encourager à ne pas faire, et ce à juste titre, l'amalgame entre musulmans et islamistes d'un côté et faire l'amalgame entre chasseurs, tireurs, collectionneurs et terroristes de l'autre.
Le 18 novembre 2015, toujours en raison des événements, la commission européenne propose en urgence un texte visant entre autres :
- à supprimer tout commerce légal par voie électronique dans le domaine des armes, des munitions et de leurs accessoires,
- à interdire les armes semi-automatiques légalement détenues avec autorisation administrative par les tireurs sportifs,
- à soumettre la détention des armes neutralisées, oui neutralisées, à autorisation,
- à interdire la détention de certaines armes neutralisées sur la base de l'apparence.
Pourtant, est-il besoin de le rappeler, les armes impliquées dans les récents attentats ou lors d'assassinats à Marseille (armes militaires qui tirent en rafales, grenades, explosifs) sont déjà classées "Matériel de guerre" et interdites depuis 1939. Il ne s'agissait évidemment :
- ni d'armes et de munitions achetées légalement sur Internet,
- ni d'armes semi-automatiques,
- ni d'armes dûment et correctement neutralisées par un organisme officiel,
- ni d'armes légalement détenues avec autorisation préfectorale puisque ces armes de guerre sont interdites.
Depuis les évènements d'Aléria en 1975 la législation s'est tellement durcie au fil des émotions médiatiques qu'aucune arme à feu (postérieure à 1900) n'est plus en vente libre légale. Les armes achetées en armurerie ne sont pas celles qui alimentent les trafics, à fortiori les trafics d'armes militaires.
Il est légitime que les pouvoirs publics et la CEE se dotent des moyens nécessaires pour contrer les terroristes. Mais il ne faut pas confondre ces derniers avec des utilisateurs légitimes d'armes à feu. Même la commission LEROUX avait fini par admettre dans un rapport parlementaire que les tireurs et chasseurs étaient extrêmement contrôlés et n'étaient pas une menace pour la sécurité publique. Il ne faut donc pas de tromper d'objectif. Il ne serait pas compris que les pouvoirs publics français s'en prennent aux citoyens plutôt que de s'appuyer sur eux comme l'ont déjà suggéré diverses personnalités de tous bords. Les dirigeants français ne peuvent pas non plus cautionner l'instrumentalisation des événements, absolument écœurante, à laquelle tentent de se livrer certains fonctionnaires européens.
Pour revenir aux drames récents, le temps est à l'action. Il ne s'agit plus de rassurer artificiellement ou de trouver des boucs émissaires mais de nommer la menace et d'y faire réellement face. Cela implique de prendre les bonnes décisions dans le respect de nos valeurs mais aussi de les appliquer et d'évaluer leurs effets. Il va falloir mettre le paquet sur le renseignement humain, revoir drastiquement certains schémas de pensée, écouter les propositions pertinentes et innover. Ce n'est pas gagné quand on constate les réticences récentes à "temporairement" autoriser le port d'arme hors service.
Notre Compagnie d'experts a la capacité de contribuer aux réflexions ou actions en cours dans les domaines des armes, de la législation, des libertés publiques, de l'action militaire et de la sécurité publique. Elle a collectivement l'expérience de terrain, le recul, les compétences techniques et l'indépendance pour être utile et innovante. Dans la situation actuelle, elle se tient à la disposition des autorités en charge de coordonner l'effort de défense et de sécurité.
Elle restera cependant attentive au sort des citoyens utilisateurs légaux d'armes à feu et plus généralement au devenir des libertés publiques.