Bonjour Jory
J'étais justement en train de rédiger sur ce sujet, voici:
Je déterre ce sujet sur la batterie du Graillon, et plus généralement sur les batteries de Cannes et d’Antibes, car une conversation avec un membre du forum, qui se reconnaîtra, a ravivé en moi des questions, que d’autres se sont sans doute posées, et auxquelles je vais tenter de répondre.
Cet ouvrage mal connu, auquel l’occupant, ou plutôt les occupants, n’ont apparemment apporté que peu d’ajouts, recèle en effet au moins deux mystères :
- un abri de combat pour projecteur, d’origine française, qui a été modifié par l’ajout d’un mur, à la base de l’embrasure, qui a diminué de moitié la hauteur de celle-ci
- la présence, sur le front ouest de l’ouvrage, et très visibles sur une photo du rapport Pinczon du Sel, de deux cuves répertoriées comme emplacements de DCA légère dans le dit rapport. Ces constructions ont subsisté jusque dans les années 1960, et ont sans doute été remblayées, car on n’en voit plus trace de nos jours.
L’abri de combat du poste photoélectrique, réalisé au début du 20e siècle, abritait un projecteur de 90 cm qui, avec un appareil semblable installé dans la batterie de la Fourcade, de l’autre côté de la rade de Cannes, avait pour mission d’éclairer la dite rade, au profit de la batterie de la Maure, armée de trois mortiers de 270 mm Mle 1889. Ce type de pièce avait pour mission d’interdire le mouillage d’une escadre ennemi, en expédiant des projectiles capables de percer les ponts des navires. Précisons, à ce sujet, que les photos figurant dans le musée du Graillon sont incorrectement légendées, puisque l’une, sensée montrer la batterie de la Maure, montre en réalité la batterie de la Tente, dans l’île d’Aix. Et que l’autre, sensée monter un projecteur identique à celui du Graillon, montre un appareil de 150 cm, dans un abri d’un modèle complètement différent, situé à Toulon.
En 1940, la batterie du Graillon, qui, en 1914, était armée de quatre canons de 95 sur affût de campagne, ne possède que deux canons de 75 Mle 1897 sur affût Mle 1916, installés à la fin des années 1930 au sud de l’ouvrage. Ils ont pour mission de battre le champ de mines, disposé entre la pointe de l’Ilette et l’île Sainte-Marguerite. La défense de la rade est complétée par les quatre canons de 75 Mle 1908 de la batterie de la Maure, les deux canons de 120 Mle 1878 sur affût Mle 1916 de la batterie de la Garoupe, et les deux 95 sur affût Mle 1908 de la Croisette.
Après juin 1940, les matériels de ces batteries, situées dans la zone démilitarisée, sont déposés et stockés à Fréjus, conformément aux clauses de la convention d’armistice.
En novembre 1942, les Italiens, puis les Allemands en septembre 1943, occupent le site. Et nous nous retrouvons, en 1944, avec un abri pour projecteur de 90 cm modifié, et avec deux cuves d’origine inconnue. Que s’est-il passé, et quel est le responsable de ces changements ? J’ai exclu rapidement les Allemands, aucun des documents, ou livres, ou articles que j’ai pu consulter ne faisant allusion à ces travaux. Et ce genre de "bricolage" à bon marché ne colle pas avec leurs réalisations habituelles. Restait donc les Italiens, pour lesquels la documentation est plus maigre.
C’est en étudiant, pour la énième fois les photos de la batterie du Cimetière russe, à Nice, que la lumière m’est apparue. Enfin, je l’espère…
L’armement de cette batterie, deux canons de 120 Mle 1878 sur affût Mle 1916, identique à celui de la Garoupe, a lui aussi été stocké à Fréjus en juin 1940. Hors, les photos du rapport Pinczon du Sel montrent clairement que ces canons étaient en place à la fin de la guerre. Ils ont donc été remis en batterie, et par qui, si ce n’est par les Italiens ?
Mon hypothèse est donc que ces derniers, non content de remettre en place les canons de la batterie du Cimetière russe, ont récupérés à Fréjus ceux de la batterie de la Garoupe, pour les installer sur un emplacement nouveau, à la batterie du Graillon. Le site de la Garoupe ne leur a sans doute pas paru judicieusement choisi, et on peut les comprendre (1). Ils ont transformé l’abri de combat, inutilisé, du projecteur, en poste de direction de tir, ou en poste télémétrique, puisqu’il était orienté exactement dans la bonne direction.
JJ
1) La batterie de la Garoupe comprenait à l’origine quatre pièces, qui pouvaient agir vers la baie des Anges et vers la rade de Cannes. Mais elle n’était vraiment efficace dans aucune de ces missions. C’est pourquoi deux de ses canons avaient été déplacées pour constituer la batterie du Cimetière russe. Mais le champ de battage des deux restants à la Garoupe n’était pas satisfaisant, et ne permettait pas de battre le rivage au plus près. On peut comprendre la réticence des Italiens à les replacer à cet endroit.
![Cap d'Antibes - Batterie du Graillon - Pte de l'Ilette - Page 2 P1014510](https://i.servimg.com/u/f17/19/84/20/23/p1014510.jpg)
Le champ d'éclairage des projecteurs de Cannes, en 1911.
![Cap d'Antibes - Batterie du Graillon - Pte de l'Ilette - Page 2 Batter89](https://i.servimg.com/u/f17/19/84/20/23/batter89.jpg)
Vue du large de l'ex batterie de la Fourcade. L'abri du projecteur semble toujours là (au-dessus de là)
![Cap d'Antibes - Batterie du Graillon - Pte de l'Ilette - Page 2 Ignf_113](https://i.servimg.com/u/f17/19/84/20/23/ignf_113.jpg)
La batterie de la Maure en 1926. Les trois emplacements de mortiers sont bien visibles
![Cap d'Antibes - Batterie du Graillon - Pte de l'Ilette - Page 2 Ile_d_11](https://i.servimg.com/u/f17/19/84/20/23/ile_d_11.jpg)
La prétendue batterie de la Maure, en fait la batterie de la Tente, dans l'île d'Aix
![Cap d'Antibes - Batterie du Graillon - Pte de l'Ilette - Page 2 Ignf_p10](https://i.servimg.com/u/f17/19/84/20/23/ignf_p10.jpg)
La batterie du Graillon en 1935, aucune cuve n'y est visible
![Cap d'Antibes - Batterie du Graillon - Pte de l'Ilette - Page 2 Batter90](https://i.servimg.com/u/f17/19/84/20/23/batter90.jpg)
La batterie du Graillon en 1946. A gauche, les deux cuves de 75, toujours en place de nos jours.
A droite, les deux cuves disparues. En arrière, l'abri du projecteur, transformé en PDT.
![Cap d'Antibes - Batterie du Graillon - Pte de l'Ilette - Page 2 Batter92](https://i.servimg.com/u/f17/19/84/20/23/batter92.jpg)
L'arrière de l'abri-PDT, tel qu'il se présentait en 2005
![Cap d'Antibes - Batterie du Graillon - Pte de l'Ilette - Page 2 Batter91](https://i.servimg.com/u/f17/19/84/20/23/batter91.jpg)
La batterie du Cimetière russe en 1946. On voit les deux canons de 120 sur leur caisson métallique.
Celui de gauche est complet, mais sans son masque. Seule la crinoline de celui de droite est en place.