Bonsoir,
Il n'est pas rare de trouver des obus intacts, avec une fusée à peine éraflée. Cela m'est arrivé à plusieurs reprises dont un pruneau de 149 du Chaberton.
Bien sur, ce n'est pas moi qui était derrière l'objectif et je ne peux affirmer que ce ne soit pas un container. J'ai retranscrit la légende au dos.
Le poste d'observation allemand était donc à l'Aiguille Rouge.
Ci-dessous deux clichés : l'un montre les échelles pour y monter (aujourd'hui perilleux !!!), l'autre l'abri aménagé par les allemands dont on parle dans le texte qui suit. L'auteur est le dernier chef de corps le Gal Steedt, traduit de l'allemand par un de mes amis, le Col Bottet : (Certains noms de lieux et orthographes sont erronés)
Extrait de « La 5° Division de Montagne dans les derniers mois de la guerre » par le Général STEEDT, ancien Commandant de la Division
A environ 100 km de Turin se trouve la petite localité de BARDONECHE, tout près de la frontière franco-italienne.
Y sont installés en avril 1945 deux PC, celui du 100° Régiment de chasseurs de montagne, commandé parle Colonel Richard ERNST, et celui du 96° Régiment d’artillerie de montagne, commandé par le jeune Chef d’Escadron autrichien GORIANY. Ceux-ci sont à environ 40 km de leur Comandant de Division. Le PC divisionnaire a donné au secteur autour de Bardonèche l’appellation de « cuvette de Bardonèche ».
Le village de montagne est entouré sur un demi-cercle d’imposantes montagnes jusqu’à une altitude de 3000 mètres. Plusieurs cols mènent en France dans le bassin de Bardonèche. Les plus importants sont les cols du FREJUS et du RHO (col de la Roue ?). Entre les deux passe le tunnel du Mont-Cenis (en fait le tunnel du Fréjus, ndlr) long de 13 kilomètres en direction de la France. En 1945 il est interdit de façon durable par l’eau, la glace et la neige, si bien qu’aucun danger n’est à redouter de ce côté.
Tout près au Sud-Ouest de Bardonèche, se dresse la « Guglia Rossa » (Aiguille Rouge) à 2542 m. Du sommet on a la vue sur la vallée de Briançon et de la Maurienne (Clarée ?), une vue lointaine sur le massif sauvage du Pelvoux et des Ecrins (4103 m.) et sur la Meije (3983 m.) au sud du col du Lautaret.
En dessous, depuis la vallée de l’Arc tenue par l’ENI, le Commandant de la 7° Demi-Brigade de Chasseurs Alpins, le Lieutenant-Colonel Le RAY exerce son commandement dans le secteur de la Maurienne.
Les principaux points d’appui au pied de l’Aiguille Rouge sont les villages de Termignon, Sollières, Monda. Là s’est retiré le 6° BCA du Commandant COSTA de BEAUREGARD.
Les Français sont avantagés par le terrain. Du côté français s’étendent de vastes pentes skiables jusque sous la cime. Du côté italo-allemand, ce sont des à-pic entaillés de façon désordonnée jusque dans la vallée.
Les chasseurs alpins français et les chasseurs de montagne allemands se préparent en avril 1945 pour l’assaut de ce sommet dominant.
De l’Aiguille Rouge, on a une vue d’ensemble sur ami et ennemi. Cette montagne est la pierre d’angle de la cuvette de Bardonèche. C’est pourquoi le Commandant de la Division ordonne l’occupation du sommet. Il impose à ses chasseurs une tâche difficile en haute montagne. Dans la vallée de l’Arc, le Lieutenant-Colonel Le Ray fait de même. Lui aussi lance ses chasseurs sur l’Aiguille Rouge.
Le Colonel Ernst envoie ses éclaireurs, des alpinistes et skieurs confirmés, sur cette montagne. Elle semble inaccessible. Le guide militaire Adjudant Winkler trouve une voie susceptible d’être équipée. Les chasseurs s’attèlent aussitôt à ce travail pénible. Des cordes de maintien sont tirées dans le couloir étroit encore très enneigé. Sur le dernier tronçon, une longueur de corde de 160 mètres accède au sommet. Tout là-haut, on aménage un emplacement avec un observatoire d’artillerie.
Il s’avère bientôt que l’itinéraire de montée des français à travers les « casses » se trouve dans l’angle mort du sommet. Les chasseurs sont aveugles vis-à-vis de tout ce qui se passe en dessous de l’Aiguille Rouge. Ils doivent rester en alarme permanente. De plus les Français appliquent de temps en temps un tir d’artillerie sur le sommet dégagé, ce qui contraint les chasseurs à chercher un abri à contre-pente.
Aussi se mettent-ils à creuser une caverne à 10 mètres en dessous du sommet de la montagne, d’abord avec un outillage à main, puis avec des pics à air comprimé. Les chasseurs s’y réfugient quand les obus français commencent à hurler autour du sommet. Ils poussent une galerie en direction de la face frontale, travail qui restera inachevé en raison de la succession rapide des évènements.
Les chasseurs inventèrent une nouvelle tactique. Ils avaient fabriqué des mines roulantes, de la taille d’un fromage de Hollande, chargées d’un explosif particulièrement brisant. En cas de menace ennemie, les chasseurs les faisaient rouler dans la pente.
Les chasseurs alpins du Commandant Costa de Beauregard essayèrent par trois fois de gagner le sommet. Une fois, ils faillirent le tenir. Ils avaient blessé grièvement et mis hors de combat la sentinelle. Les chasseurs de montagne sortirent aussitôt de leur caverne pour une contre-attaque immédiate et rejetèrent les chasseurs alpins au bas de la montagne.
Les chasseurs étaient relevés tous les trois jours. Le ravitaillement leur était amené par le Commandant de Compagnie en personne, aidé de ses secrétaires, chauffeurs et de la « valetaille de train régimentaire ». C’est ce qu’il appelait une « excursion d’entreprise ».
Le Commandant de la Division fut tellement impressionné par le comportement de ses chasseurs qu’il décida de remettre personnellement et sur place les Croix de Fer méritées par l’équipe sommitale. Le Dr PRECHTL, juge militaire de la Division, accompagnait le Général. Il décrivit trente ans plus tard cette grimpée en ces termes :
« Je me souviens dans tous les détails de cette grimpée le 29 mars 1945, quand vous (le général) êtes monté avec le colonel Ernst à l’Aiguille Rouge pour remettre au sommet aux 10 hommes occupant la position les Croix de Fer qu’ils avaient gagnées en repoussant les attaques françaises. Nous sommes montés dans la neige et la glace par un étroit couloir, en crampons et au piolet, vous devant, moi derrière, et le colonel Ernst fermant la marche. Ce fut la course la plus dure de ma vie. En haut, j’étais hors d’haleine et totalement KO pour une bonne heure. » …
Le Colonel Richard Ernst raconte :
« La Guglia Rossa devint si célèbre que le Commandant de la Division décida de remettre les Croix de Fer au sommet même, où tous les décorés seraient rassemblés. A cette occasion, le Général ne manifesta aucun intérêt pour les beautés de la nature, le magnifique panorama du Pelvoux avec les Ecrins et la Meije, dont les vastes glaciers étaient surmontés d’un magnifique ciel bleu, mais porta son intérêt sur les objectifs identifiés et les possibilités d’action à partir de cet observatoire, avec les batteries disponibles sur zone des I°, III° et IV° Groupes d’Artillerie de montagne.
Le Général ne se priva pas de contrôler lui-même le feu des batteries sur différents objectifs.
Pendant la remise de décorations qui suivit, on put entendre l’Officier Observateur de l’artillerie, sans doute interrogé par son Commandant de Régiment sur les raisons d’une certaine pagaille dans les tirs, répondre au micro : « ah, mon Commandant, c’est le Général qui a voulu jouer un peu à l’artilleur ! ».
Rankki