Bonjour à tous.
LES TRAINÉES BLANCHES SUR LES MURS DES BLOCKHAUS QU’EST-CE ???
Je viens de recevoir une question par mail concernant ce sujet. Un ami me sollicite pour avoir des explications. Après lui avoir répondu, je pense utile de partager avec vous ces explications.
Voici donc concernant les trainées blanches sur les murs des blockhaus quelques éclaircissements pour vous permettre de mieux comprendre ce phénomène.
Vous êtes-vous posé la question de savoir ce que cela pouvait être, quelles en sont les causes, comment se forment-elles ?
Ces trainés blanches sont de la calcite.
C’est un minéral composé de carbonate naturel de calcium, de formule chimique CaCO3.
Un préliminaire important :
Il faut savoir que le béton est un produit fini qui appartient au monde de la chimie minérale. Il est fabriqué à partir de matières minérales naturelles.
Les composants du béton :
Plusieurs composants (matières premières) entrent dans la fabrication.
·> Le ciment, lui-même un produit transformé extrait de carrière de roches calcaires,
·> Le sable, généralement extrait de gisements alluvionnaires est largement composé de matières à base de silice,
·> Les cailloux, eux aussi extraits de gisements de roches massives concassées, ou de gisements alluvionnaires.
Selon la nature du sol de la carrière de laquelle la roche calcaire est extraite pour la fabrication du ciment, on obtiendra une structure chimique différente du ciment :
·> Ciment silicate de calcium mono-calcique (CaSiO3),
·> Ciment silicate de calcium bi-calcique (Ca2SiO4) dits ciments C2S,
·> Ciment silicate de calcium tricalcique : (Ca3SiO5). Dits ciments C3A,
·> Ciment aluminate de calcium mono-calcique (CaOAl2O3).
Les trois premiers ciments appartiennent à la catégorie des ciments portland, le ciment aluminate de calcium n’est pas un ciment portland. Les compositions chimiques de ces ciments sont différentes les unes des autres.
Le béton :
Le béton est poreux : il n’est pas étanche à 100%.
L’air qu’il contient prend la forme de bulles lors de l’opération de malaxage des différentes matières premières. Cette quantité d’air est variable en fonction du soin apporté lors de la mise en œuvre du béton dans les coffrages, mais aussi de la rigueur mise lors de la conception de la formulation (répartition de la quantité de matières premières entre elles) et lors du choix de la granulométrie des agrégats (agrégats = sable + cailloux). Les normes de notre époque (NF, DIN, EN) admettent, une quantité d’air occlus de 3 à 6%. Techniquement elle n’arrivera pas à être inférieure à 3%. Elle est susceptible d’être plus importante dans plusieurs cas. Plus elle est importante, plus cela est préjudiciable à la qualité du béton et plus cela influe sur la résistance finale ainsi que sur la durabilité du béton.
La cause :
L’eau de pluie joue un grand rôle dans la création de ces trainées sur les murs. C’est elle qui en est, en grande partie, responsable.
Une grande partie de l’eau de pluie tombant sur les ouvrages en béton ruisselle le long des parois, mais une quantité plus faible stagne puis pénètre dans le béton par les microfissures existantes à la surface du béton. Cette eau d’infiltration descend par gravité dans le béton en prenant la place de l’air occlus dans les bulles créées au cœur du béton lors du séchage et du durcissement du béton frais. Cette eau d’infiltration peut être plus ou moins chargée naturellement en oxyde de carbone. Il se produit alors une réaction chimique entre les différentes molécules présentes dans le béton. Ces molécules dans le béton sont celles apportées par le ciment, le sable, les cailloux, et d’autres matières dites parasites, pouvant se créer par interaction entre elles.
"Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme" disait Lavoisier…
L’eau se charge de sels minéraux au cours de cette attaque. Elle véhicule, tout au long de son chemin en fonction de la compacité du béton, les différents sels qui se sont formés. En cours de route, si l’eau d’infiltration rencontre une zone de béton plus compacte, elle va ressortir sur les parois par tous les interstices qu’elle va rencontrer. Les gouttes chargées en sels minéraux vont, par gravité, couler le long de la paroi et en séchant exposée au vent ou au soleil, vont déposer les sels minéraux qu’elles contenaient.
Ainsi se forment les trainées de calcite.
Voici un exemple frappant de cheminement d’eau d’infiltration dans un blockhaus. Ici Blockhaus d’Eperlecques (62) usine V2 V3 Façade sud.
Cette photo vous présente le dépôt laissé sur le mur de la photo précédente. Pour vous permettre de comprendre l’épaisseur : les fers qui sortent du mur sont ceux qui apparaissent sur la photo précédente. Il s’agit de la trainée en bas la plus à droite. Les fers donnent l’échelle : le diamètre est de 30 millimètres.
La calcite peut se charger en sels d’oxyde de fer dans son périple au contact des fers d’armature ou au plafond des blockhaus sur les « Flachblechen » plaques métalliques situées entre les « U-Träger » poutres en forme de rail de chemin de fer. Elle prendra alors une couleur brun-marron.
Une stalactite de calcite décrochée du plafond d’une soute à munitions. Va 300.
La même stalactite. La vue en coupe permet de voir le canal de passage de l’eau au centre.
Ici une trainée de calcite contenant des sels d’oxyde de fer. Nz 406. Façade Ouest Cuve de Flack au dessus de l’alvéole 8.
La quantité d’eau d’infiltration ne ressort pas en totalité du béton. Elle participe à la réaction chimique en interne et peut transformer certaines molécules présentes dans le béton en créant différents cristaux des sels. Ces réactions chimiques peuvent alors occasionner des dégâts en interne dans le béton. Il s’agit de pathologies qui entrainent un vieillissement accéléré du béton.
Le gel de l’eau d’infiltration peut créer des désordres irréversibles comme la fissuration et le déplacement de grandes parties du béton, lorsque les quantités d’eau occlus sont importantes.
Les autres pathologies du béton :
Le cas de résurgence d’eau d’infiltration chargée de calcite peut trahir la naissance de différentes réactions chimiques indésirables au cœur du béton. Certaines de ces réactions sont à l’origine de pathologies plus ou moins graves.
Quatre principales pathologies :
·> Les réactions sulfatiques internes,
·> L’apparition de cristaux de trisulfoaluminate de calcium, plus connue sous le nom d’étringite,
·> Les réactions alcali-silice,
·> La carbonatation.
Les trois premières sont générées par l’eau d’infiltration, l’autre aura d’autres causes cumulées.
Façade nord Bunker d’Eperlecques (62) Trainée de calcite avec réaction sulfatique interne contaminant le béton jusqu’à réapparaitre en surface. Zone colorée située autour et sous la trainée de calcite. Taille environ un mètre de haut.
Calcite contenant de l’oxyde de fer et suspicion de création d’Etringite dans le béton (sel trisulfoaluminate de calcium) gonflement avec fissuration de la peau du béton. Port la Nouvelle (11)
La carbonatation du béton est un processus en rapport avec l’eau d’infiltration mais dont l’eau n’en est pas la seule cause ; Il faut aussi un abaissement du Ph par perte des alcalins pour que le béton passe de basique (Ph élevé 12,5 / 13 au moment de la fabrication) à un Ph voisin de 8,5 (acide) pour que les armatures commencent à réagir en gonflant sous l’oxyde : ce qui fait épaufrer le béton si l’enrobage est trop faible et/ou que les fers d’armature aient bougé au moment du coulage.
Les pathologies du béton sont une question complexe sur laquelle je reviendrai ultérieurement, si le sujet vous intéresse…
J’espère ici avoir pu vous permettre de mieux appréhender cette affaire de la formation de la calcite.